La Plume d'Ivoire

Quatrième de couverture : 

De 1947 à 2013, cinq destins, cinq couples s'entrecroisent sans savoir ce qui les lie.

De Frances, pionnière de la publicité dans les années 1940 qui sacrifiera sa vie amoureuse à sa carrière, à Kate, jeune femme des années 2000 qui a arrêté de travailler pour s'occuper de sa fille tout en fuyant le mariage, J. Courtney Sullivan retrace les évolutions du couple depuis plus de soixante ans et brosse de magnifiques portraits de femmes.

Un roman juste, réaliste et touchant.

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    J. Courtney Sullivan est connue pour ses deux précédents romans : Les Débutantes et Maine. Elle a l’habitude de nous offrir des sortes d’analyses sociologiques sans en avoir l’air, sous couvert d’une histoire distrayante. 

    Dans Les Débutantes, l’auteur s’intéresse aux liens de l’amitié et dans Maine elle analyse plus les rouages familiaux. 

    Avec Les Liens du mariage, elle s’attaque à l’institution du mariage ainsi que son rapport à la publicité. On découvre que beaucoup de codes ont d’ailleurs été crées par la pub. 

    Dans Les Liens du mariage, on fait face à plusieurs couples à des époques différentes. Les chapitres alternent leurs histoires, apparemment sans liens si ce n’est la question du mariage. On nous expose leurs vies qui débutent souvent à un moment clé, suivi de nombreux flash back qui explicitent leurs situations et comment ils se sont retrouvés là. Il y a beaucoup d’introspection et de réflexions sur leurs situations ce qui nous permet d’avoir accès à leur position quant au mariage, implicitement ou non.

    Le roman s’ouvre en 1947, sur Francès, publicitaire pour Ayer et travaillant sur les campagnes De Beers. Ses chapitres nous exposent autant la place du mariage à cette époque que l’importance de la manipulation que la publicité exerce sur la population. Francès s’occupe des slogans pour les pubs De Beers quant aux diamants, son but ? Faire vendre des bagues de fiançailles en convainquant absolument tout le monde que c’est un objet indispensable au bonheur. Et ça marche. A elle seule, elle a réussi à implanter une tradition que l’on pensait être là depuis bien plus longtemps : offrir des diamants pour une demande en mariage. La propagande mise en place par les publicitaires pour faire croire ce qu’ils veulent aux gens est bien mise en avant. On voit les réunions de Francès avec ses patrons, ses heures de travail, ses recherches du slogans parfait qui conviendrait à ses clients avec toutes les contraintes qu’ils lui imposent et satisfaction de voir des femmes porter des diamants. 

    On voit également l’émergence du placement de produit. C’est De Beers qui lance le concept en prêtant des diamants à Marilyn Monroe pour ses soirées mondaines puis dans ses films, en prêtant ensuite à d’autres stars pour susciter l’envie dans le cœur des femmes. 

    Le temps s’écoule différemment pour chaque couple. Pour Francès, il s’écoule presque une décennie entre chacun de ses chapitres. Toujours célibataire jusqu’à la fin de sa vie, on voit les regards de la société sur elle. A une époque où le mariage est considéré comme l’aboutissement ultime d’une vie avant les enfants, elle fait figure d’ovni. Les autres femmes la considèrent d’un mauvais œil et la traitent en ennemie. Elle vit une sorte de paradoxe, travaillant qu’avec des hommes, elle vend l’idée que le diamant est le symbole de l’amour éternel et que les fiançailles sont une chose merveilleuse, tout en étant plus heureuse seule. 

    Pour Evelyne, en 1972, l’intrigue se déroule sur une soirée, parsemée de nombreux flash back. Mariée depuis plusieurs année et mère d’un fils, le sujet ne tourne pas seulement autour de son propre mariage mais plus de celui de son fils. Le mariage, institution encore sacrée pour cette génération, subit des changements qu’elle voit se matérialiser entre son fils et sa belle fille qu’elle aime tant et qui la choquent. Le divorce devient monnaie courante et c’est une chose qui l’attriste profondément. Mais son affection pour sa belle fille est sûrement plus le moteur de sa colère que ses propres convictions. 

    Cela montre l’évolution du mariage sur quelques années seulement, il se transforme et ce n’est plus l’engagement d’une vie entière… 

    James est le seul homme présenté en tant que personnage principal dans ce roman. Il est secouriste et c’est surtout son quotidien que l’on voit. Il y a peu d’interactions directes avec sa femme mais c’est grâce à ses phases d’introspection que l’on a accès au portrait de sa vie de famille. Ils ont du mal à joindre les deux bouts, surtout avec deux fils, mais malgré cela, il rêve de pouvoir offrir un diamant à sa femme. On est en 1987 et l’on voit que l’influence des publicités de diamants était telle que 40 ans après, c’est encore un passage important pour les couples. 

    En 2002, Delphine a quitté son mari, son magasin, son pays, pour suivre son coup de foudre : un violoniste américain qui l’a demandé en mariage. Un an plus tard, il la trompait et elle ravageait son appartement. C’est grâce aux nombreux flash back que l’on découvre son histoire. Comment elle a acquis son magasin, sa vie avec son mari, sa rencontre avec son amant, leur rupture… 

    C’est son histoire qui m’a le plus intéressée et intriguée, l’émergence de la passion, les risques encourus par amour, la désillusion et la vengeance… 

    Même si j’ai l’air de raconter beaucoup de choses, je vous rassure, aucun risque de spoil, on apprend tout cela dès les premiers chapitres et le plus plaisant à découvrir reste le déroulement des évènements. 

    Reste Kate qui évolue en 2012. Elle vit avec son compagnon et leur fille de 3 ans. Elle est très engagée, fait attention à éduquer sa fille sans les stéréotypes sociaux habituels, respecte une alimentation saine, a une conscience humanitaire très poussée et ne souhaite en aucun cas se marier. Même en 2012, la pression que sa famille exerce sur elle pour qu’elle se marie est très forte. Elle est d’ailleurs considérée comme le mouton noir de la famille à cause de ça. 

    L’histoire de Kate est celle qui peut faire réfléchir le plus. Très féministe et responsable, elle pose des problématiques et questionnements très justes sur le mariage et les problèmes mondiaux. 

    Les personnages que l’on découvre au début, évolue et notre impression sur eux change en fonction de leur histoire. 

    C’est un roman que j’ai beaucoup apprécié, il nous montre vraiment l’évolution du mariage dans la société en se basant sur des histoires de couples, ce qui rapproche cette analyse du lecteur plus facilement que ne l’aurait fait un essai. Nous faisons face à des exemples vivants qui mettent en lumière ce que l’auteur voulait démontrer. Plus largement, on voit aussi la place de la femme dans cette société, qui a évoluée certes, mais finalement pas tant que ça comme nous le montre les réflexions de Kate. 

    C’est un ouvrage très bien documenté et instructif. Francès, la publicitaire d’Ayer pour De Beers a vraiment existée ainsi que sont slogan que nous connaissons tous  : A diamond is forever. 

Un roman que l’on peut lire comme on le souhaite, en décryptant les comportements sociaux ou juste comme un livre de divertissement. Une belle lecture avec un fond des plus intéressant !