La Plume d'Ivoire

Quatrième de couverture : 

La nuit, ô Seigneur est encore le royaume des rapaces nocturnes. L'aube qui m'apportera la mort est lointaine, consens, ô mon roi, pour agrémenter les heures à venir que je te raconte des histoires anciennes et singulières jusqu'à ce que le jour nouveau m'enlève la voix et la vie.

 

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    Sharaz-De est une BD atypique, je crois bien que c’est cela qui m’a le plus plu dans cet album d’ailleurs. On est loin du dessin commercial, lisse et sans âme. Toppi nous offre une claque visuelle avec cet ouvrage. Les dessins ne ressemblent absolument pas à ce que l’on peut voir partout et c’est en grande partie ce qui fait l’originalité de Sharaz-De. Différentes textures s’entremêlent sur toutes les illustrations pour nous offrir un visuel très torturé et sombre mais qui réussi à être tout de même lumineux. 

    Étranges combinaisons qui en font une œuvre réellement en marge. De nombreuses illustrations semblent se cacher dans chaque dessin ; et chaque planche est une œuvre à part entière. On s’arrête plusieurs minutes sur chaque illustration pour essayer d’en saisir un maximum, tenter de décrypter ce que l’on y voit. Et même le fait de prendre du temps sur chaque page ne permet pas de saisir tout ce que l’auteur aurait pu vouloir représenter. Plusieurs lectures sont nécessaires pour bien s’imprégner de son trait. 

    Malgré un dessin complexe, l’immersion dans l’univers de Toppi est aisée et très agréable. Si son trait vous déplaît, je vous conseille de persévérer, ne serait-ce que sur plusieurs pages car, même si l’entrée en matière peut paraître difficile avec un dessin aussi hors normes, on en vient facilement à s’émerveiller sur chaque planche et scruter les détails. 

    La grande majorité de l’ouvrage est en noir et blanc, seules deux histoires sont en couleur mais, je dois avouer que ma préférence va largement au noir et blanc. Je trouve les dessins de Toppi plus impressionnants comme ça. Néanmoins, l’aquarelle, donne un côté aérien et éthéré aux illustrations, on se retrouve plongés en plein rêve.  

    L’auteur se libère des entraves conventionnelles sur le visuel comme sur la forme, vous ne trouverez pas les cases habituelles dans Sharaz-De. Toppi casse les codes habituels et réinvente son espace, les différentes scènes se mêles sur des plans et des échelles différentes ce qui donne un dynamisme certain à son histoire. 

    Sharaz-De, comme son nom le suggère nous raconte la vie de Shéhérazade à partir de son arrivée chez le sultan. Elle est choisie pour passer une nuit avec le souverain et mourir au petit matin comme toutes celles qui l’ont précédée, pour échapper à son funeste destin elle racontera une nouvelle histoire à son geôlier. 

    L’histoire est plus centrée sur Shéhérazade que sur les contes en eux-mêmes. On assiste à toutes les histoires qu’elle raconte mais l’on sent clairement entre chaque conte que c’est elle qui occupe la place centrale, c’est elle qui impulse le rythme à l’histoire, elle est le maillon qui fait tout avancer. 

    De plus, Toppi nous fait grâce des contes les plus connus et nous offre d’en découvrir de nouveaux. On n’assiste donc pas à une relecture classique des Contes des mille et une nuits comme cela a déjà été vu et revu, bien au contraire. C’est également un des points les plus plaisants de l’ouvrage : découvrir de nouveaux contes et se rendre compte de l’infinité de l’histoire de Shéhérazade, ainsi que de ses multiples facettes.

    Le seul point qui m’a dérangé est celui des dialogues qui paraissent parfois trop figés, trop « textuels » pour être réalistes. Il y figure trop d’explications pour paraître naturels. 

    Comme vous l’aurez compris, j’ai eu la chance de faire une merveilleuse découverte avec Sharaz-De, un ouvrage très original et plaisant qui mérite bien plus qu’un simple coup d’œil. Une belle claque visuelle atypique qui mérite le détour !