La Plume d'Ivoire

L’incroyable histoire de Wheeler Burden

de Selden Edwards

Le Cherche Midi (2014)

650 pages

978 2749117867

20 €

(Réédition en poche chez 10/18 en Mai 2015

9€60

9782264066039 )

Quatrième de couverture : 

Wheeler Burden vit à San Francisco en 1988. Aussi a-t-il peu de raisons de se retrouver, un beau matin, à Vienne en 1897. C’est pourtant ce qui lui arrive, d’une façon totalement inexplicable. Se demandant s’il n’est pas devenu fou, l’idée judicieuse lui vient d’aller consulter un jeune thérapeute viennois qui n’a pas encore découvert le complexe d’Œdipe, Sigmund Freud. Devant la perplexité compréhensible de celui-ci, et en attendant qu’il trouve une réponse satisfaisante à ses questions, Wheeler explore la ville aux richesses innombrables. Vienne est alors à un tournant de son histoire, le maire, Karl Lueger, est le premier dirigeant à s’être fait élire sur des théories antisémites, Mahler révolutionne les règles de la composition, Gustav Klimt et Egon Schiele sont sur le point d'en faire autant avec la peinture, sans parler des philosophes, architectes et écrivains, qui bouleversent le mode de pensée de la vieille Europe. Mais, plus encore que de croiser la route de ces grands noms, Wheeler est enthousiaste à l’idée de retrouver ses grands-parents, qui sont sur le point de se rencontrer dans la capitale autrichienne. Il ne sait pas encore qu’il est sur le point de découvrir un étrange secret de famille. Bien vite, il réalise ce qui est en jeu dans cette curieuse mésaventure : l’incroyable possibilité de changer le destin des siens, et peut-être plus encore, celui de l’humanité toute entière. À quelques kilomètres de Vienne, dans le village de Lambach, vit en effet un petit garçon âgé de 6 ans, nommé Adolf Hitler. Wheeler est, néanmoins, loin de se douter des risques qu’il encourt et des dangers qu’il y a, à vouloir modifier le cours des choses…

* * *

    L’Incroyable histoire de Wheeler Burden fait partie de ces livres, qu’une fois ouverts on ne peut refermer.

    Encore un choix de livre dû complètement au hasard. La couverture a attiré mon œil pendant la petite rentrée littéraire de Janvier / Février 2014, le résumé m’a intrigué et il ne m’en a pas fallu plus pour vouloir le lire. Je me suis dit qu’une histoire de retour dans le passé avec toutes les contraintes que cela engendre, était un synopsis vu et revu mais, c’est la présentation dudit synopsis qui a attisé ma curiosité.

    Je suis d’ailleurs bien déçue que l’on en ai pas plus entendu parlé parce que j’ai trouvé qu’il valait vraiment le détour ! 

    On suit Wheeler, qui se réveille un jour à Vienne, sans savoir ce qu’il fait là. Et encore moins, en 1900. Habitué à vivre dans les années 70, il découvre son environnement en même temps que le lecteur. On assiste à un pan de l’histoire extrêmement intéressant, on voit les prémices de l’antisémitisme jusqu’à son expansion en masse, les débuts de la psychanalyse puisque Wheeler rencontre Freud avant qu’il ne soit connu. Il rencontre également son père, qui mourut en pleine seconde guerre mondiale, ainsi que sa grand-mère durant la jeunesse de celle-ci.

    Les questionnements ne cessent de se poser sur ce qu’il convient de faire ou non. Surtout qu’ils sont non loin de là où habite Hitler et ce dernier a tout juste 10 ans. II serait si aisé de le supprimer et ainsi soulager l’humanité d’une de ses plus grande douleur. Mais cela remettrait en cause toute leur existence. Sans Hitler et sans cette guerre, son père n’aurait jamais rencontré sa mère et, en conséquence Wheeler n’aurait jamais existé. Hormis ça, cela entrainerait énormément de changements dans leurs vies mais évidemment, à plus grande échelle, une grande partie de l’histoire de l’humanité. 

    Durant tout le roman, on se pose des questions sur ce qui se passe. On échafaude des hypothèses sans vraiment savoir où l’on met les pieds et l’on a un semblant de réponse en filigrane mais, ce n’est pas le côté fantastique qui est le plus exploité ici, on peut donc rester un peu sur sa faim quant à l’absence de réponses à ce niveau là. 

    L’auteur ne s’est pas appesanti sur le côté SF de son histoire, en laissant une grande part de mystère, il nous offre des réponses à demi mots, une plus flagrante à la fin mais s’est focalisé sur l’idée de savoir ce qu’un homme ferait s’il se retrouvait à cette période de l’histoire, tout en ayant la possibilité de changer le cours des choses. Le but de ce roman est plus une approche psychologique de la conscience et de la morale humaine qu’un roman fantastique. Et en cela c’est extrêmement bien mené !  Il a donc plus travaillé sur sa recherche que sur l’idée de mettre en place un roman de pure SF, même si ce dernier est extrêmement cohérent. Mais il ne délaisse pas non plus totalement ce côté là, puisque ses paradoxes temporels sont très bien mis en place et très bien insérés dans le roman. L’un dans l’autre c’est un roman vraiment abouti et très bien construit. 

    Le côté historique est surtout introspectif et très bien rendu, l’histoire m’a tellement captivée que je n’ai pas ressentit de frustration face à ce manque d’éclaircissements sur ce voyage temporel. 

    Le récit ne semble pas avoir de construction fixe, on oscille entre « présent » (la Vienne de 1900) et les nombreux flash-back qui parsèment le texte et nous montrent le passé de Wheeler (les années 50-60). Les problèmes de paradoxes temporels sont vraiment bien exploités, on voit les problèmes que rencontre Wheeler dans son passé et on fait facilement le lien avec ses actes en 1900. Il nous raconte par exemple un problème  qu’il a rencontré à la fac dans son adolescence et on comprend son désarroi, jusqu’à ce qu’on « assiste » à l’évènement qui a crée ce problème et qui s’est déroulé à Vienne, en 1900 quand il avait environ 40 ans. C’est un cercle sans fin que j’ai trouvé réellement bien construit !

    C’est un roman passionnant, un page turner très efficace qui nous entraine dans les méandres du passé et du temps ainsi que dans des réflexions sur notre morale et notre psychologie. A découvrir !

    Coup de cœur pour ce roman !