La Plume d'Ivoire

Quatrième de couverture : 

Morwenna Phelps, qui préfère qu’on l’appelle Mori, est placée par son père dans l’école privée d’Arlinghust, où elle se remet du terrible accident qui l’a laissée handicapée et l’a privé à jamais de sa sœur jumelle, Morganna. Loin de son pays de Galles natal, Mori pourrait dépérir, mais elle découvre le pouvoir des livres, notamment des livres de science-fiction. Samuel Delany, Roger Zelazny, James Tiptree Jr, Ursula K. Le Guin et Robert Silverberg peuplent ses journées, la passionnent. Alors qu’elle commence à reprendre du poil de la bête, elle reçoit une lettre de sa folle de mère : une photo sur laquelle Morganna est visible et sa silhouette à elle brûlée. Que peut faire une adolescente de seize ans quand son pire ennemi, potentiellement mortel, est sa mère ? Elle peut chercher dans les livres le courage de se battre.

* * *

            Morwenna  est un roman qui a su capter mon attention grâce à sa couverture. Son résumé m’a vaguement intriguée mais c’est surtout en le feuilletant et en lisant quelques passages que j’ai été convaincue qu’il fallait que je me l’achète. D’ordinaire, je ne me tourne pas vers des ouvrages écrits sous forme de journaux intimes. Un peu par choix parce que ce n’est pas la forme que j’affectionne le plus mais surtout, parce que ce n’est pas la plus répandue. C’est pourtant cela qui m’a interpellé dans Morwenna et m’a donné envie de le découvrir.

            Force est de constater que je ne me suis pas trompée en m’offrant ce roman puisque ça a été une merveilleuse découverte qui a aboutie à un beau coup de cœur ! Oui, voilà, ça chamboule même la structure de l’article, on commence par la fin, soyons fous !

            Tout d’abord, méfiez-vous du résumé, il a l’air de proposer une aventure très rythmée dans le monde de la sorcellerie mais il ne reflète pas ce que l’on trouve en tournant la première page. Pour l’aventure à couper le souffle, c’est râpé. Morwenna c’est plus comme une calme balade en barque. Mais quelle balade ! Merveilleuse ! On vogue tranquillement au gré des réflexions de l’héroïne et on s’émerveille sur le paysage au passage. L’action y est douce et l’urgence ne marque pas le récit par sa présence. C’est calme et tranquille mais pourtant l’ennui passe son chemin.

            Morwenna est une jeune fille de quinze ans qui a perdu sa sœur jumelle de façon assez mystérieuse. Elle s’est enfuie de chez sa mère et a été placée chez son père qu’elle ne connaît pas plus que ça. Il l’envoie dans un pensionnat pour qu’elle poursuive ses études. Ils se découvrent une passion commune pour la littérature de science-fiction. Morwenna dévore un nombre considérable d’ouvrages par semaine, ils échangent donc principalement là-dessus. Elle passe beaucoup de temps à la bibliothèque et rejoint un club de lecture sur la SF dans lequel elle se fera plusieurs amis.

            Des lettres lui parviennent de sa mère dans lesquelles elle trouve des photos d’elle et de sa sœur où son propre visage a été brûlé.

            La particularité de Morwenna est qu’elle voit et communique avec les fées. Du moins, ce qu’elle appelle des fées puisqu’en fin de compte elle ne connaît pas véritablement leur nature. Ce que j’apprécie énormément ici, c’est que l’auteur n’essaie pas de nous donner une explication sur ces « fées », comme Morwenna ignore leur origine et ne peux pas vraiment le découvrir, le lecteur n’en sait pas plus que la narratrice ce qui ajoute une touche de mystère à l’histoire. Une amorce d’explication est lancée à la fin que l’on peut interpréter comme on le souhaite. 

            L’auteur a réussi à ancrer la magie dans la réalité de façon surprenante, c’est si bien mis en place que cela paraît extrêmement naturel et totalement normal. On ne se pose même pas de questions pour savoir si c’est crédible ou non, ça l’est. Tout simplement.

          L’héroïne nous fait entrer dans son monde sans avec une grande facilité, nous découvrons ce qui l’entoure comme si nous connaissions déjà tout cela et qu’il n’y avait rien de surprenant à côtoyer des êtres surnaturels. Tout cela au milieu de la lande galloise que l’on parcoure avec plaisir grâce aux descriptions de Morwenna.

            L’intrigue principale tourne autour de la sœur de Morwenna, de leur mère, de la magie et des fées. Ce ne sont néanmoins pas les points les plus importants du roman. Le suspens est plutôt lent et l’intrigue n’avance pas bien vite mais Jo Walton inssuffle à son roman une douce aura mystérieuse en instillant quelques indices de temps à autre pour chatouiller la curiosité de son lecteur. C’est également cette envie de savoir le fin mot de l’histoire qui nous pousse à continuer. Mais pas que.

            Le point fort de ce roman est son héroïne : Morwenna.

Le format du journal intime nous permet de la découvrir sans fards. C’est une jeune fille vraiment attachante, très mature pour son âge, qui lit énormément et parle tout autant de ses lectures. Les livres sont vraiment une part très importante de sa vie, elle elus de huit par semaine, va constamment à la bibliothèque et participe à un club de lecture spécialisé dans la SF. Devant une telle avalanche de noms d’auteurs et de titres, il est possible de se sentir perdu mais, cela ne m’a pas dérangé, au contraire, elle m’a donné très envie de découvrir les livres dont elle parle !

Morwenna vit plus pour ces romans et leurs personnages que pour les gens qu’elle côtoie. C’est d’ailleurs un point important du roman qu’on ne peut esquiver tant il est présent et qui soulève beaucoup de questions.

            Ce roman entre dans la catégorie fantastique au sens littéral du terme. Tout cela est-il réel ou Morwenna a-t-elle beaucoup trop d’imagination ? Avec la forme de narration choisie il est facile de berner le lecteur et de le laisser croire la vision biaisée du narrateur. Faire la part des choses est assez difficile puisqu’on ne sait pas vraiment ce qu’il en est. L’interprétation reste ouverte.

            Morwenna pourrait être apparenté à un OVNI littéraire. Entre journal intime et roman fantastique, il parvient à nous tenir en haleine avec un récit lent où l’action ne fait pas vraiment partie du paysage. C’est un roman passionnant qui m’a totalement entrainée dans son univers, que je recommande vivement ! Un rythme assez lent qui nous laisse le temps de découvrir une héroïne qui sort de l’ordinaire, le tout sur fond de paysage de rêve, sans oublier le réalisme frappant avec lequel l’auteur insère la magie dans notre monde.

            Tout simplement formidable !