La Plume d'Ivoire

Quatrième de couverture :

Valentine disparue... Qui la cherche vraiment ?
Entre satire sociale, polar contemporain et romance lesbienne, le nouveau roman de Virginie Despentes est un road-book qui promène le lecteur entre Paris et Barcelone, sur les traces de tous ceux qui ont connu Valentine, l'adolescente égarée... Les différents personnages se croisent sans forcément se recontrer, et finissent par composer, sur ton ton tendre et puissant, le portrait d'une époque.

* * *

          Avec la sortie de Vernon Subutex, j’ai voulu relire Despentes. J’avais adoré Bye Bye Blondie et n’avais rien lu d’elle depuis, ayant pourtant amassé tous ses livres dans ma bibliothèque. Comme si je voulais me les garder pour les gros moments de panne sèche niveau lecture, ou en avoir toujours un sous le coude. Me les garder de côté pour les savourer petit à petit.

          J’avais cru comprendre que Vernon Subutex était une sorte de pseudo suite à Apocalypse Bébé et ai donc voulu le lire avant de me jeter voracement sur le prochain. Il n’en est rien. Pas vraiment du moins. On retrouve seulement La Hyène, personnage principal d’Apocalypse Bébé dans Vernon Subutex.

          C’est avec ce roman que Despentes a décroché le prix Renaudot en 2010.

Je connais Viriginie Despentes pour son côté subversif au style incisif et cru, qui ne mâche pas ses mots. L’étalage de vulgarité que j’avais découvert dans Baise-Moi semble s’être assagi ici. Le trash qu’elle affectionne ne s’est pas complètement envolé mais s’efface néanmoins peu à peu.

Je pense que lu seul, Apocalypse Bébé, ne va pas choquer les foules mais on se rend néanmoins compte du côté un peu rentre-dedans de l’auteur. Mais, quand on a déjà lu ce qu’elle a pu faire avant (et surtout vu que je n’ai pas encore lu les ouvrages qu’elle a écrit entre temps, donc n’ai pas vu son style muer), on trouve ce roman plutôt soft !

          Apocalypse Bébé est construit comme un polar sans être non plus trop codifié pour le genre. Le point de départ de l’intrigue est la disparition d’une jeune fille alors qu’elle était sous la surveillance d’une détective privée : Lucie. Cette dernière est donc chargée de la retrouver. Désemparée, sans savoir par où commencer, elle se tourne vers La Hyène, très connue dans les milieux peu fréquentables pour être la meilleure.  Avec son sens de l’observation surréaliste et sa fine analyse des autres, elle semble presque surnaturelle.

        Ces deux femmes, très différentes, vont se lancer dans une sorte de road trip pour chercher ce qui a bien pu arriver à la gamine et la retrouver.

            Entre quête identitaire et enquête, les deux héroïnes vont apprendre à cohabiter. Parfois difficilement à cause de leurs profondes différences, mais restent néanmoins assez liées.

       Le physique chez Despentes est assez particulier et ne colle pas aux stéréotypes classiques. Ses héroïnes sont souvent loin d’être magnifiques, selon les codes actuels de la beauté. Elles peuvent être belles à leur manière mais ce n’est généralement pas leur aspect extérieur qui frappe.

          Ses personnages sont ici décrits via les autres. Lucie, par exemple, ne donne aucun détail sur son physique, ce n’est que quand elle croise d’autres personnes que l’on a accès à une esquisse de description. Par quelques adjectifs on comprend qu’elle est petite et peu gracieuse. On sait aussi que La Hyène n’est pas vraiment belle mais elle en impose. Elle a une présence et un charisme qui la rendent attirante.

          Par ces descriptions, l’auteur veut faire passer un message important : On peut très bien ne pas correspondre aux critères de beauté imposés par la société mais, plaire quand même. Et ce n’est pas la beauté qui fait le bonheur non plus. Il n’y a qu’à voir la gamine disparue, très jolie mais dont la vie lui semblait être un cauchemar.

          L’identité sexuelle est au centre du roman avec l’homosexualité assumée de La Hyène qui n’hésite jamais à draguer une fille qui lui plaît et à participer à des orgies exclusivement féminines. Le cas de Lucie est sans doute le plus intéressant ici puisque d’hétéro discrète, elle découvre une nouvelle sexualité qui la libère, elle devient plus assurée.

       C’est par ce duo improbable que passe le côté féministe du roman. L’une totalement libérée des carcans de la société, est une femme forte et affirmée qui prend la vie à bras le corps, se pose en égale face aux hommes, tandis que l’autre tend à s’affirmer en découvrant un monde sans contraintes.

          Le message rappelle celui d’Amours de Léonor de Recondo, une fois libérées des carcans moraux dans laquelle on enferme sans vergogne les femmes, elles réussissent à s’épanouir.

          Ce récit est bien construit et pose des thématiques importantes. C’est un roman de société qui nous entraine jusqu’à Barcelone et dont la fin ouverte nous laisse sur notre faim. Etant donné que La Hyène revient dans Vernon Subutex j’ai l’espoir d’y voir y apparaître quelques allusions quant à cette terrible fin !

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