La Plume d'Ivoire

Quatrième de couverture : 

Je sais tout de toi.
Tu es parfaite.
Je t'aimerai
à la vie
à la mort.
Tu es à moi
pour toujours.

* * *

           Avec sa couverture faisant penser à une romance, je ne savais pas trop à quoi m’attendre. [A ma décharge, je n’avais pas encore vu la couverture « définitive » où il y a écrit « Thriller » en gros, avant d’écrire ma chronique… Et je ne me souviens plus si les lettres rouges semblaient dégouliner sur le SP] Disons-le tout de suite, il s’agit plutôt d’un thriller. Un peu particulier, certes, mais un thriller quand même. Ont-ils voulu surfer sur la vague des romances érotiques avec une telle couverture ?

            Ce roman commence par une rencontre entre le narrateur et Beck. La narration est d’ailleurs particulière puisque notre héros, s’identifiant lui même par la première personne du singulier, s’adresse toujours à un « Tu », qui n’est autre que Beck. Comme si le livre n’existait que pour relater à cette fameuse jeune femme leur histoire ou que toutes les pensées du narrateur étaient exclusivement tournées vers elle. Ce qui en soit n’est pas faux…

            Libraire, il s’amuse à deviner ce que vont acheter les clients rien qu’en les regardant, se permettant de les juger intérieurement au passage. C’est comme ça qu’il va faire la connaissance de Beck, venue acheter des livres.

            A ce moment-là, tout semble plutôt banal. Hormis le fait que le héros soit un peu cynique et ait un comportement singulier, on sent la romance arriver. Ils discutent, flirtent et projettent éventuellement de se revoir. Mais, le héros pense souvent à elle. Vraiment souvent. Trop. Et ça commence à devenir un peu bizarre quand il se rend devant chez elle pour voir où elle habite. Curiosité ? Gros coup de cœur ? Oui mais voilà, il y retourne tous les jours. Au fur et à mesure que l’histoire avance et qu’on accède de plus en plus aux pensées du personnage, on sent qu’il y a quelque chose qui cloche. Jusqu’à grimper doucement mais sûrement l’échelle du malsain.

            L’épier, la suivre, lui voler des affaires, la surveiller constamment jusqu’à s’introduire dans sa vie privée. Beck devient carrément une obsession. Le malaise est d’autant plus renforcé par cette narration particulière.

            Entre horreur et fascination morbide, l’auteur nous entraine dans les méandres d’une personnalité complexe à la psychologie déroutante.

            Sans réelle conception du bien et du mal, le narrateur se décharge constamment de ses responsabilités. Il n’est jamais coupable de ses actes, ses victimes sont toujours responsables de l’avoir poussé à bout. Il se contente de se débarrasser des obstacles qui se dressent entre lui et ce qu’il désire, par tous les moyens, sans aucun état d’âme.

            Il manipule tellement bien son monde via les réseaux sociaux qu’il pourrait envisager une reconversion en tant que community manager que le message à faire passer pourrait être la question des dangers des-dits réseaux et la facilité actuelle à s’introduire dans l’intimité d’autrui grâce aux nouvelles technologies. A l’heure où nous sommes tous connectés, que ce soit sur le net ou par nos smartphones, il est aisé d’être espionné à notre insu. La façon dont il traque ses cibles grâce à cela est d’ailleurs carrément flippante. Le fait que chacun publie au vu et au su de tous, ses moindres faits et gestes, que l’intimité soit devenue une chose toute relative, est également à mettre en cause. Ce psychopathe n’a pas vraiment beaucoup d’efforts à fournir pour obtenir une information.

            Parfaite est le récit particulier d’un simple coup de foudre transformé en cauchemar. Un clin d’œil pour transformer une rencontre en véritable obsession qui mènera les deux protagonistes en enfer.

            C’est un récit atypique et déroutant qui nous plonge dans une conscience malade qui met le lecteur mal à l’aise face à la relative lucidité du narrateur, pourtant contradictoire avec son déni de la réalité.

            Parfaite est un roman qui m’a tour à tour, laissée perplexe, presque fascinée et horrifiée. C’est un texte complexe, qui parfois manque un poil de crédibilité (avec tous les meurtres commis, personne ne se pose de questions...) mais qui explore une certaine forme de folie.