Quatrième de couverture :
New York, début des années 1950. Elles sont jeunes et Manhattan leur tend les bras ...
Lorsqu’il fut publié en 1958, le premier roman de Rona Jaffe provoqua l’engouement de millions de lectrices américaines. Elles s’identifièrent immédiatement à ses personnages, de jeunes secrétaires venues d’horizons différents employées dans une grande maison d’édition new-yorkaise. Leurs rêves et leurs doutes reflétaient ceux de toute une génération de femmes.
Il y a la brillante Caroline, dont l’ambition est de quitter la salle des dactylos pour occuper un poste éditorial. Mary Agnes, une collègue obnubilée par les préparatifs de son mariage. La naïve April, jeune provinciale du Colorado venue à New York pour faire carrière dans la chanson.
Si la ville semble leur offrir d’infinies possibilités professionnelles et amoureuses, chacune doit se battre avec ses armes pour se faire une place dans un monde d’hommes.
* * *
On plonge avec délice dès les premières pages dans une société quoiqu’un peu désuète, non sans charme. Nous sommes en 1952, en plein New York, avec plusieurs jeunes femmes dont nous découvrons les rêves, les espoirs et les déboires, au fil des chapitres. Le roman leur prête sa voix alternativement afin de nous dévoiler leurs histoires. Elles travaillent toutes au sein d’une grande maison d’édition, en tant que dactylos – du moins au début. La question qui s’élève tout au long de ce roman est bien :
Comment se faire une place en tant que femme, dans cette société où elles ne sont considérées que comme épouses, femmes au foyer et totalement inaptes à un travail digne de ce nom ?
Ces jeunes femmes sont toutes différentes mais ont les même codes moraux implantés dans leurs petites têtes de provinciales quand elles débarquent à New York. Chacune vient y travailler, pour s’occuper dans l’attente de se trouver un mari.
Parmi ces jeunes filles, les unes vont à leur bureau parce que chaque jour les rapproche du succès dont elles rêvent, d'autres vont travailler parce qu'elles ont besoin d'argent pour vivre, et d'autres enfin y vont parce que c'est comme ça tous les jours de la semaine et qu'elles ne sauraient trop dire pourquoi. Elles vont vers leur machine à écrire ou à calculer comme si c'était une antichambre où les jeunes filles attendent l'amour et le mariage.
Les moeurs de l’époque les préoccupent grandement – tel que la prohibition de l’amour avant le mariage – et sont respectées jusqu’à ce que la capitale ne les leur fasse oublier… Un peu vite pour certaines, cette société qu’elles découvrent, bien loin de celle de leurs campagnes, leur fait tourner la tête. Elles retombent parfois bien brutalement sur Terre quand l’homme à qui elles se sont donné annonce clairement qu’il ne les épousera pas, ou bien que l’une d’elle ne tombe enceinte sans être pourvue d’une alliance attestant de la légitimité de son état. Car malgré le faste de la ville, leur but premier, lui, n’a pas été oublié : le Mariage. Il est la seule aspiration qui les motive vraiment.
Le qu'en dira-t-on est également un frein à leur enthousiasme d’envoyer rapidement valser leurs principes et leurs inhibitions. Elles sont toutes bien sensibles aux rumeurs qui pourraient courir sur leur compte et s’en gardent un moment avant de lâcher prise pour la plupart tout en conservant les apparences intactes. D’autres ont déjà fait le grand saut.
Donc voilà nos héroïnes, elles sont fraîches, jeunes et enthousiastes. La vingtaine et déjà si malmenées par la vie : Ruptures de fiançailles, bébé non désiré, avortement forcé, divorce…
Elles ont toutes leurs blessures mais gardent malgré tout la tête hors de l’eau. Leur travail les aide, pour certaines, à subvenir à leurs besoins, pour d’autres, à s’occuper en attendant le prétendant idéal pour un beau mariage, ou encore, pour tenter d’accéder à leurs rêves. Même si leurs patrons n’hésitent pas à les harceler sexuellement en les menaçant de licenciement, alors qu’elles espèrent de tout coeur ne pas perdre leur emploi. Mais, de toute façon une femme n’est pas faite pour travailler mais pour faire la cuisine et des enfants n’est-ce pas ?
Les hommes de ce livre sont presque tous pareils, horrifiés à l’idée qu’une femme mariée travaille, soit parce qu’elle n’est surement pas assez douée pour y arriver, soit par pur machisme : la seule place d’une femme est à la maison. En contrepartie, ils sont empressés de leur écarter les cuisses sans avoir à leur passer une bague au doigt…
Il n’y en a qu’un ou deux qui rattrape le tout mais, l’ensemble reste assez manichéen. La femme douce et naïve et l’homme fourbe qui ne pense qu’à la trousser et la remettre à sa place de faible femme incapable d’accomplir quelque chose d’un tant soit peu intellectuel.
Le récit s’ouvre sur Caroline, qui semble être la plus forte des cinq femmes qui nous sont présentées, la plus réfléchie également. Elle fuit sa banlieue pour travailler afin d’échapper à ses pensées. L’homme qu’elle devait épouser a rompu leurs fiançailles pour une autre femme, elle se retrouve donc seule et la cible des commérages de son village. C’est surement celle dont l’ambition va plus loin que le mariage, de secrétaire elle brigue un poste d’éditrice et souhaite continuer à travailler même quand elle sera mariée, ce qui va à l’encontre des principes ancrés dans la société.
C’est celle que j’ai eu le plus de plaisir à retrouver dans le roman mais, ses choix sur la fin me semblaient peu raisonnés et m’ont bien étonnée. Ce n’était pas des réactions naturelles pour la personnalité que l’auteur nous avait exposé depuis le début. Caroline m’a un peu déçue mais, on ne peut lui nier une certaine humanité même si elle semble un peu froide de prime abord.
Mary Agnès, l’inconditionnelle du mariage, la fiancée n’a eu, honnêtement, aucun intérêt pour moi. Très fade, elle n’est que peu présente mais sert la narration en montrant clairement les aspirations de ces demoiselles. Elle est celle qui a le mieux réussi selon leurs codes.
April et Gregg (C’est quoi ce nom ?) m’ont semblé assez semblables sur la forme. Elles souhaitent toutes deux être chanteuse/actrice, sont naïves et s’accrochent à un homme qui n’a que peu d’intérêt pour elles. Et leurs forts espoirs leur occasionnent beaucoup de douleur. Tandis qu’elles me portaient assez sur les nerfs par leur crédulité, l’une a su me toucher alors que Gregg ne m’a fait ressentir que de l’indifférence à son égard et du mépris à la fin du roman. April m’a agréablement surprise par sa combativité qui ne s’est manifestée que tardivement. Mais, j’avais tendance à confondre ces deux femmes durant ma lecture.
Reste Barbara, quasiment invisible durant la première partie du roman, elle fait son nid dans la seconde. Divorcée, elle se bat chaque jour pour pouvoir subvenir aux besoins de sa mère et de sa fille. Rêvant de se remarier un jour, elle ne fait que déchanter en voyant que tous les hommes ne lui tourne autour que dans l’espoir de la mettre dans leur lit. Eh bien oui, une femme ayant été mariée sera forcément moins farouche qu’une jeune vierge hein ? Quand les hommes ont le cerveau dans leur pantalon, ils ne l’ont pas ailleurs…
Les vies sentimentales des héroïnes est ce qui est le plus mis en avant dans ce roman, tout en nous montrant clairement en arrière plan les réalités de la société de l’époque. Le statut de la femme y est bien sûr primordial, tout en tablant sur des sujets tout aussi importants tels que l’avortement, la vertu, les conventions sociales, les apparences. On les suit agréablement, tout en les voyant perdre leurs illusions, prendre des petites victoires sur la vie, évoluer, gagner en maturité. La fin reste ouverte, ce qui est dommage car toutes ces femmes voient leurs histoires se clore dans un dénouement heureux ou non, sauf une, celle dont on en attend le plus d’ailleurs.
J’aurais aimé en voir un peu plus sur le milieu de l’édition, du travail en général alors que cela n’est présenté que brièvement pour se concentrer sur les aventures de ces femmes. Et c’est dommage.
Néanmoins, malgré ses presque 700 pages, ce roman se lit avec une facilité déconcertante et réussit à nous toucher grâce à des portraits bien vivants de jeunes femmes tour à tour heureuses, désabusées, dévastées. Rona Jaffe nous livre un roman prenant et difficile à lâcher avec une plume dynamique et délicate.
Ce récit m’a tout de même parut très contemporain malgré l’époque qu’il dépeint. Certaines préoccupations sont encore très actuelles et au final, tout ce à quoi aspirent les protagonistes est d’être aimés.
Ce fut une bonne surprise, dévorée en très peu de temps et, malgré les petits points manquants, je l’ai beaucoup apprécié.
L'amour existe sous différents aspects, se disait Barbara - l'amour pour un parent, pour un enfant, pour un ami -, mais aucun ne remplace l'autre. Aucun ne ressemble à l'amour pour un homme qui vous aime aussi.
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